LES PRINCIPES DU BUSHIDO
Il est incontestable que le Code Moral est issu du BUSHIDO, ce code de comportement non-écrit des samouraïs du japon médiéval. Mais personne ne sait plus très bien comment il a pu cheminer de l’esprit des guerriers japonais jusqu’aux murs de nos dojos français modernes.
Le BUSHIDO des samouraïs est toujours vivant et actuel au japon. Sa vitalité éveille en nous l’écho profond de notre ancienne culture médiévale chevaleresque. La pratique du BUSHIDO ne nous est donc pas étrangère. Jointe à celle du judo, elle reprend seulement les éléments nécessaires à notre actualité civilisatrice.
Résumé et traduit en deux mots, le BUSHIDO est la « noblesse d’âme » mais noblesse oblige – vieille maxime française – signifie que chaque ceinture noire doit se discipliner, pour qu’en dépit des impulsions et passions, cette noblesse d’âme guide son comportement dans le dojo et dans les difficultés de la vie.
LA RECTITUDE
Esprit de raison droite et de justice
Un Bushi célèbre la définit ainsi : « La rectitude est le pouvoir de prendre, sans faiblir, une décision dictée par la raison. Mourir quand il est bien de mourir, frapper quand il est bien de frapper ».
Mais cette rectitude pourrait dégénérer si elle n’était soutenue, par l’audace et l’endurance du courage.
LE COURAGE
Esprit d’audace et d’endurance
Confucius définit ainsi le courage : « Sachant ce qui est juste, ne pas le faire démontre l’absence de courage. Donc, le courage est de faire ce qui est juste ».
Un homme vraiment brave garde toujours sa sérénité et sa lucidité.
Dans les catastrophes, les dangers, les souffrances, la mort, il garde la maîtrise de soi. L’impassibilité c’est le courage au repos.
Maîtrise et impassibilité ne sont ni contraire ni raideur, mais détente et paix, issues de l’absence de peur.
Pour un homme courageux, l’attitude normale vis à vis des autres est une haute humanité qui engendre la bonté.
Valeur, intrépidité, courage sont des expressions de la noblesse d’âme.
LA BONTE, L’HUMANITE
Bushi no Nasake, la compassion d’un guerrier, ces mots éveillent tout de suite un sentiment de noblesse. Seul celui qui est courageux, fort, désintéressé, maître de soi, peut avoir une pitié et une bonté authentique.
« Le pardon est la parure du guerrier » (Mahatma Gandhi).
Une antique maxime du Bushidô dit : « Il n’est pas convenable pour le chasseur de tuer l’oiseau qui se réfugie en son sein ».
Cette sensibilité et cette bonté envers les autres, engendrent le respect et le souci de les honorer, mais aussi de ne pas leur causer de troubles et de peines inutiles. Ceci conduit à développer la courtoisie et la politesse.
LA POLITESSE
Si la politesse n’est que conventionnelle, elle n’a qu’une valeur limitée, extérieure et superficielle.
Mais pour le Samouraï, elle est l’expression de sentiments profonds, d’égards pour les autres, de modestie pour soi. Dans sa forme la plus élevée et la plus consciente, la politesse confine à l’amour.
La codification des gestes du cérémonial en faveur de la politesse, constitue l’étiquette qui encadre la vie.
Une des écoles japonaises les plus célèbres pour l’étiquette, l’Ogasawara–ryū, a popularisé la maxime suivante : « le but de toute étiquette est de cultiver votre esprit de telle manière que, même lorsque vous êtes tranquillement assis, l’idée ne puisse même pas venir au plus grossier des hommes d’oser vous attaquer ».
La politesse perdrait sa substance si elle n’était soutenue par la vérité et la sincérité.
VERITE, SINCERITE, LOYAUTE
L’idéogramme chinois qui signifie sincérité est une combinaison de « Parole » et de « Perfection ».
直率
Bushi No Ishibun, parole et honneur de samouraï, est une garantie suffisante. Une promesse ainsi faite est tenue, sans preuve nécessaire de cet engagement.
Néanmoins, il peut exister des préséances entre le vrai et le réel. C’est alors que doit intervenir le discernement. Si un malade demande à un médecin : « Quelle est la gravité de mon état ? ». Le médecin en répondant : « Ce n’est pas grave, vous serez bientôt guéri », bien qu’il sache le contraire, obéit à une vérité d’un ordre supérieur. Manier la vérité immédiate n’est pas si facile, cela demande un long et constant entraînement et un amour de la vérité la plus haute.
La loyauté est l’expression de l’amour de la vérité, de la sincérité et du respect de d’autrui. La sincérité et la loyauté sont inséparables du détachement.
LE DESINTERESSEMENT OU DETACHEMENT
Une action ou une attitude ayant pour objet notre profit personnel est entachée d’égoïsme et de sentiment possessif. L’intérêt personnel, l’amour excessif de notre corps ou de nos possessions faussent notre vision du réel.
En Orient, le maître considère toujours qu’il enseigne gratuitement et que le profit n’est pas le but de son enseignement. Le disciple, de son coté, ne considère pas qu’il paye le maître, ni qu’il achète son enseignement, mais que s’il verse des émoluments ou cotisations, ce sont de simples offrandes sans équivalence avec ce qu’il a reçu.
Ainsi le maître et le disciple restent libres et dignes, et ne sont liés que par la générosité, l’estime et la gratitude.
Le sens de l’honneur est le fils de cette générosité.
L’HONNEUR
Le sens de l’honneur est étroitement lié à la dignité et à l’estime de soi. Toute atteinte à l’intégrité de cet état donne un sentiment de honte.
Mais ce sens de l’honneur, mal compris, a pu donner lieu chez certains samouraïs à des exagérations morbides. Ceux qui cultivaient inconsciemment un égoïste amour d’eux-mêmes et un orgueil arrogant, croyaient, pour un oui ou un non, devoir laver dans le sang des pseudos-atteintes à leur honneur.
Il convient d’attacher l’honneur aux valeurs les plus hautes et non à des considérations personnelles égoïstes.
Meng-Tseu disait : « Il est dans la nature de tout homme d’aimer l’honneur, mais ce qui est vraiment honorable réside en chacun et non ailleurs. L’honneur que les hommes confèrent n’est pas le véritable honneur ».
L’honneur est attaché à la manière d’être, à la fidélité, à la parole, à un ami, un maître, un idéal ou à la vérité.
LE DEVOIR DE FINDELITE
Dans le sentiment de fidélité, ce qui est important, c’est que quel que soit le motif, l’objet de la fidélité et du loyalisme, ce sentiment existe.
Tel sera capable de vivre, mais aussi de mourir pour son roi, son empereur, ses parents, tel autre pour sa religion, sa patrie, sa philosophie, son parti politique etc…
Mais toutes ces fidélités ont un dénominateur commun. C’est la consécration de sa vie à quelque chose de plus grand que soi, que les possessions humaines et matérielles.
Cependant le Bushidô, s’il enseigne la fidélité et la loyauté à un maître ou à un suzerain digne de cette consécration, ne demande pas de sacrifier sa conscience à qui n’en est pas digne.
Les relations maître-disciple impliquent fidélité et loyauté, mais elles seraient impossibles sans modestie.
De nos jours les principes directeurs du Bushidô restent vrais, mais doivent être adaptés à des situations nouvelles.
LA MODESTIE
L’homme vraiment modeste ne désire pas s’abaisser mais simplement s’apprécier selon la vérité et la justesse, avec sincérité et honnêteté. Le désir d’être admiré, aimé, respecté, pour légitime qu’il soit, n’est admissible que si la valeur est authentique. Un homme naturellement fort ne pense pas à sa force, ni un homme intelligent à son intelligence.
Celui qui dit : « Je suis modeste » cesse de l’être à cet instant précis.
Il est important de savoir apprécier, respecter et aimer la valeur chez les autres. On risque peu en les surestimant, on risque beaucoup en les sous-estimant.
Cette attitude engendre le respect, sans lequel aucune relation humaine n’est possible.
LE RESPECT
Sans modestie aucun respect n’est possible, sans respect aucune confiance ne peut naître. Sans confiance aucun enseignement ne peut être donné ni reçu.
« L’eau ne peut remplir un récipient que s’il est placé au-dessous de la source ».
Venus d’Orient, les arts martiaux traditionnels sont avant tout des écoles de vie. Leur but est de forger des hommes. L’ossature de cette formation est le Bushidô.
Le respect des autres passe obligatoirement par le respect de soi-même. Pour respecter les autres, il faut pouvoir résister à ses propres passions : d’irritation, de colère, de désir, de peur, d’ambition démesurée, etc…
Résister à ses pulsions passionnelles, c’est le véritable respect de soi.
Dans le Bushidô c’est le contrôle de soi.
LE CONTROLE DE SOI
C’est la manifestation extérieure de celui qui a, la lucidité et la sérénité, fruits de son courage intérieur, à ne pas manifester de manière excessive et expressive ses sentiments intérieurs.
Les japonais considèrent comme inconvenant de faire supporter aux autres nos soucis, émotions ou difficultés. Il convient donc de maîtriser toutes manifestations extérieures exagérées.
La perfection de cette maîtrise réside dans l’équilibre entre la retenue des passions égoïstes et la libération des nobles caractères de la nature humaine purgée de ses déviances.
Contrôle de soi ne veut pas dire insensibilité au contraire, cette attitude facilite une attention aux autres et à la compréhension entre ceux qui subissent les mêmes épreuves, les mêmes souffrances, les mêmes joies et les mêmes espoirs.
De cette compréhension peut naître l’amitié.
L’AMITIE
L’amitié est, peut-être, le plus pur des sentiments de l’homme. Vierge de passions, elle est sans doute l’une des formes les plus altruistes de l’amour. Fondée sur l’estime et la confiance mutuelle, elle permet les échanges humains les plus élevés.
Lorsque ce sentiment s’exerce à l’égard d’un plus faible ou d’un plus ignorant, il change de nom et devient la bienveillance, ce qui s’oppose à la condescendance.
Amitié et bienveillance sont les dispositions d’âme naturelle de l’homme fort.
EN CONCLUSION
Toutes ces facultés sont liées entre elles, se conditionnent et se renforcent mutuellement. Si un seul de ces principes du Bushidô fait totalement défaut, cette lacune entraine le déséquilibre de tous les autres.
Il est vain d’acquérir les techniques du judo et même de briller en compétition, si la structure intérieure du judoka n’est que faiblesse.
Il est donc essentiel que le maître enseigne le Bushidô en même temps que le judo et que l’élève s’efforce d’apprendre ses principes, qui en réalité, ne font qu’un.